C'est le matin. Il a plu toute la nuit. Un orage terrible.
Suzuran Omamori est rentrée il y a peu, horriblement fatiguée, la robe en lambeaux, les jambes pleines de sang, le maquillage coulant, trempée de la tête aux pieds. Elle a des bribes de souvenir de la nuit et la tournure des choses ne lui plait pas. Mais surtout elle a vu quelque chose, quelque chose qui lui a encore plus déplu, qui l'a mis dans une colère folle.
La jeune fille se tenait dans sa chambre, alla se poster derrière son bureau, baissa la tête pour prendre une profonde inspiration et la releva pour crier de toutes ses forces.
- KENSAKUUUU !!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Un cri immanquable, terriblement strident et pourtant parfaitement contrôlé, qui au passage réveilla tout le monde. Rien que par son cri, l'immeuble entier savait que Kensaku allait passer un sale quart d'heure, ce qui était plutôt rare : généralement, la jeune femme traitait son bras droit avec respect et presque sur le même pied d'égalité.
Aujourd'hui, ça allait se passer autrement.
Le bras droit ne se fit pas attendre longtemps. Il avait sans doute compris qu'il lui fallait ramener ses fesses très vite de peur d'accroitre la colère de la Créatrice.
Lorsqu'il fut dans le bureau, Suzuran en verrouilla mentalement la porte. Celle ci enfin fermée, elle se découvrit en passant devant le bureau.
- Kensaku, mon fidèle Kensaku, dit-elle en s'approchant, n'y aurait il pas quelque chose que tu aurais ... disons, oublié de me dire?
Elle le regardait dans les yeux, la tête un peu haute et les yeux baissés, un air condescendant malgré sa petite taille, un air plein d'arrogance et de tyrannie.
- Tu sais très bien de quoi je parle, tu dois te douter vu mon état, n'est-ce pas? QUAND COMPTAIS TU ME LE DIRE !???
Elle avait soudainement haussé le ton. Elle voulait qu'il se sente honteux, elle voulait ...
- Kensaku, fit elle avec un petit air "boudeur", tu es né pour me servir non? Tu ne voudrais pas que toute ta famille soit déshonnorée par ta faute ... Alors POURQUOI TU N'AS RIEN DIT !???
L'Impératrice commençait à avoir du mal à se contrôler. Cette attitude avec lui, comme avec un minable habitant, comme si elle le comprenait pour ensuite lui planter un couteau dans le dos ... Elle s'était retenu de le gifler, de le pousser, d'agir avec lui comme s'il n'avait pas d'importance. Il avait jusqu'à présent été irréprochable, mais ça c'était impardonnable. C'était une trahison.
Se détournant, la Créatrice soupira.
- C'est dommage, je vais t'en vouloir beaucoup plus pour ton silence que si tu me l'avais dit depuis le début... ou cette nuit où je t'ai demandé de me veiller. Tu avais tout le temps de me le dire, depuis ... combien de temps, dis moi?
La jeune femme alla ouvrir son armoire et y prit une veste : elle était toujours trempée, elle avait froid, mais sous aucun prétexte son corps n'aurait tremblé. Le moment n'était pas à la faiblesse, il fallait qu'elle soit ferme, tenace, pour qu'il comprenne sa faute. Elle était prète à user tous les moyens pour ça. Toucher son égo, le frapper s'il le fallait.
Un mot : TRAHISON.